Il est minuit passé. Le monde enfin se tait.
Le vacarme écrasant de la longue journée,
Les sursauts de l'orgueil et les petits secrets,
Ce que brasse l'humain de crasse et de pitié,
Tout cela disparaît.
Il est l'heure ! Je jette avec grâce mon masque
D'adulte et je revêts celui du voyageur,
De cet aventurier que ni crue, ni bourrasque,
Ne saurait effrayer. Je suis le découvreur
D'un univers fantasque.
J'écoute le silence. Il m'apprend la chanson
Des voix timides de la nuit. Les entends-tu ?
Sous chaque toit se cache un langoureux frisson
Et les arbres, trempés de nuit et de vertu
Tremblent a l'unisson.
Plus loin, vers l'horizon, comme un jet de lumière
Sur un drap de fusain, c'est la pâleur des astres
Qui habille la vie, banale poudrière,
Et qui la circonvient comme un luisant célastre
De chants et de prières.
Et l'âme frémissante, au milieu des ténèbres,
Je trace les contours d'un monde parallèle
Peuplé de hauts châteaux, de tueuses célèbres,
De déserts désolés, de forêts, de chapelles,
Et de douceurs funèbres.